Il existe « un risque de soviétisation du résultat scolaire en France. » Échos d'un colloque sur l'obligation de résultats en éducation
« L'évaluation comme outil de management et d'amélioration du fonctionnement des établissements scolaires » : tel était le thème d'une des séances du colloque de l'INRP organisé à Lyon les 25 et 26 mai 2009 sur « quels enjeux stratégiques pour la mise en oeuvre d'une obligation de résultats dans les politiques d'éducation ? »
(L'AEF n°113542 <http://www.aef.info/public/fr/abonne/depeche/depeche_detail.php?id=113542>).
Faisant intervenir une quinzaine de chercheurs étrangers (États-Unis, Grande-Bretagne, Nouvelle-Zélande, Suisse, Belgique, Espagne), ce colloque a réuni une trentaine de participants. Quatre séances ont permis d'aborder entre autres la notion de « standards », l'évaluation des établissements scolaires et la place de l'évaluation dans le développement professionnel des enseignants.
S'agissant du cas français, Daniel Vitry, directeur de l'évaluation, de la prospective et de la performance au ministère de l'Éducation nationale indique d'emblée : « Pour évaluer les établissements, nous ne disposons pas en France de beaucoup de choses, si ce n'est les indicateurs de valeur ajoutée des lycées. C'est ce que nous avons de plus abouti : il reste donc beaucoup à faire. » Selon lui, la Depp a construit cet outil pour « éviter que les journalistes ne fassent des raccourcis sommaires » en classant les lycées en fonction du seul taux de réussite au baccalauréat. « En donnant l'écart entre le taux constaté de réussite et le taux attendu, les indicateurs de valeur ajoutée permettent de rétablir la vérité. Nous ne faisons pas de classement car ce qui nous intéresse est de valoriser les établissements. Mais les classements, même si ce sont des impostures scientifiques, font vendre du papier puisque cette année, trois journaux français en ont publié un contre un seul les années précédentes ! »
*LA FRANCE EST LE SEUL PAYS D'EUROPE OU LES ÉTABLISSEMENTS NE SONT PAS ÉVALUÉS
*
Roger-François Gauthier, inspecteur général de l'administration de l'Éducation nationale et de la recherche, fait le même constat : « La France partage avec la Bulgarie et la Grèce le privilège d'être le seul pays d'Europe où les établissements ne sont pas évalués », affirme-t-il. Selon lui, la question de l'évaluation est « extrêmement chaude en France à l'heure actuelle ». Mariano Fernandez Enguita, chercheur à l'université de Salamanque, ajoute que l'évaluation rencontre également une forte résistance en Espagne : « On a récemment assisté à une grande grève à Madrid quand le gouverneur a voulu imposer une évaluation générale des élèves de 15 ans, les enseignants le vivant comme une remise en cause de leur professionnalisme », raconte-t-il.
« En France, le pouvoir politique exige des résultats, ce qui conduit à une prolifération d'indicateurs et d'attitudes d'évaluation dans les académies. Mais quand j'évoque ces problématiques dans les EPLE, je vois des yeux qui s'écarquillent. Les profs ne comprennent pas de quoi je parle ! Quant aux parents, ils achètent les magazines de classement des établissements mais c'est tout. Ils ne sont pas demandeurs d'évaluation », poursuit Roger-François Gauthier. L'inspecteur général se réjouit malgré tout d'assister à un « mouvement intéressant depuis quelques années » en Europe sous la bannière de l'Écosse et des Pays-Bas : « On dépasse petit à petit les seuls indicateurs et l'auto-évaluation devient le modèle de référence. Même l'Ofsted [organisme anglais chargé des inspections d'établissements] met de l'eau dans son vin. »
« *RISQUE DE SOVIÉTISATION DU RÉSULTAT SCOLAIRE EN FRANCE »
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Pour lui, le modèle français est peu tourné vers l'évaluation car les normes sont toujours définies « en haut » et les EPLE n'ont pas l'autonomie suffisante. Il regrette en outre que les décideurs, les inspecteurs ou même les chercheurs n'exploitent pas davantage les « montagnes de notes produites par les profs » et aillent toujours chercher de nouveaux outils pour évaluer les élèves ou le système. « Les résultats les plus riches sont quand même ceux mis au jour le jour par les enseignants, et non les résultats aux examens terminaux ! » L'inspecteur général appelle à plus d' « hybridation » : « Il faudrait faire preuve d'intelligence et être capable de combiner plusieurs sources pour mesurer l'efficacité du système, que ce soit les résultats aux examens, le contrôle continu ou les tests. »
« Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins : soit nous lançons une révolution en partant de l'évaluation mise en place dans les classes pour lui donner du sens et en la complétant par d'autres outils, soit on ne se ressaisit pas et on court un vrai risque de soviétisation du résultat scolaire en France avec des indicateurs produits d'en haut, totalement déconnectés des apprentissages des élèves. », renchérit Roger-François Gauthier.
*L'IMPORTANCE DE LA CONFIANCE
*
L'important est selon lui d'établir une relation de confiance entre les différentes partenaires du système éducatif, à l'image de ce que tentent de faire les néo-zélandais. Brian Annan, responsable du projet « school improvement [amélioration de l'école] » au ministère néo-zélandais de l'éducation, raconte en effet le processus ayant conduit à la mise en oeuvre d'évaluation des établissements dans son pays. Grâce à Pisa, les décideurs se sont rendu compte qu'il existait un nombre croissant d'élèves en très grande difficulté, pour la plupart des maoris ou des jeunes issus des îles pacifiques. Or cela ne ressortait pas dans les évaluations nationales car les écoles, devant accueillir toujours plus d'élèves, n'avaient pas intérêt à dire qu'elles avaient des élèves en difficulté. « Nous avons dû évaluer les évaluations », explique Brian Annan. « Nous avons constitué des groupes d'apprentissage avec différents acteurs du système éducatif, mais ces derniers ont reproduit le comportement des écoles. Le gain en résultat était minime, il fallait faire autrement et nous avons impliqué des acteurs extérieurs pour évaluer, afin d'éviter le mélange des rôles. » Mais le défi fut alors de garder la relation de confiance que les acteurs internes étaient parvenus à établir. « Les enseignants ont désormais peur que le ministère n'utilise ces données pour autre chose que l'apprentissage des élèves », note Brian Annan.
Pour Matthis Behrens, directeur de l'Institut de recherche et de documentation pédagogique à Neuchâtel (Suisse), « l'évaluation à elle toute seul ne permet pas l'amélioration des performances », d'autant qu'elle est très coûteuse et que « les fonds utilisés pour évaluer ne sont plus disponibles pour la remédiation ». « Je crains que les données évaluatives ne deviennent trop complexes pour les enseignants. On assiste parfois au passage d'une logique d'enseignement à une logique presque thérapeutique avec les tests très complexes d'orthophonistes par exemple. On a assisté à cause de cela en Suisse à un psychodrame de l'évaluation ! C'est une limite qu'il s'agit d'analyser et de mieux cerner », affirme-t-il.
« L'évaluation comme outil de management et d'amélioration du fonctionnement des établissements scolaires » : tel était le thème d'une des séances du colloque de l'INRP organisé à Lyon les 25 et 26 mai 2009 sur « quels enjeux stratégiques pour la mise en oeuvre d'une obligation de résultats dans les politiques d'éducation ? »
(L'AEF n°113542 <http://www.aef.info/public/fr/abonne/depeche/depeche_detail.php?id=113542>).
Faisant intervenir une quinzaine de chercheurs étrangers (États-Unis, Grande-Bretagne, Nouvelle-Zélande, Suisse, Belgique, Espagne), ce colloque a réuni une trentaine de participants. Quatre séances ont permis d'aborder entre autres la notion de « standards », l'évaluation des établissements scolaires et la place de l'évaluation dans le développement professionnel des enseignants.
S'agissant du cas français, Daniel Vitry, directeur de l'évaluation, de la prospective et de la performance au ministère de l'Éducation nationale indique d'emblée : « Pour évaluer les établissements, nous ne disposons pas en France de beaucoup de choses, si ce n'est les indicateurs de valeur ajoutée des lycées. C'est ce que nous avons de plus abouti : il reste donc beaucoup à faire. » Selon lui, la Depp a construit cet outil pour « éviter que les journalistes ne fassent des raccourcis sommaires » en classant les lycées en fonction du seul taux de réussite au baccalauréat. « En donnant l'écart entre le taux constaté de réussite et le taux attendu, les indicateurs de valeur ajoutée permettent de rétablir la vérité. Nous ne faisons pas de classement car ce qui nous intéresse est de valoriser les établissements. Mais les classements, même si ce sont des impostures scientifiques, font vendre du papier puisque cette année, trois journaux français en ont publié un contre un seul les années précédentes ! »
*LA FRANCE EST LE SEUL PAYS D'EUROPE OU LES ÉTABLISSEMENTS NE SONT PAS ÉVALUÉS
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Roger-François Gauthier, inspecteur général de l'administration de l'Éducation nationale et de la recherche, fait le même constat : « La France partage avec la Bulgarie et la Grèce le privilège d'être le seul pays d'Europe où les établissements ne sont pas évalués », affirme-t-il. Selon lui, la question de l'évaluation est « extrêmement chaude en France à l'heure actuelle ». Mariano Fernandez Enguita, chercheur à l'université de Salamanque, ajoute que l'évaluation rencontre également une forte résistance en Espagne : « On a récemment assisté à une grande grève à Madrid quand le gouverneur a voulu imposer une évaluation générale des élèves de 15 ans, les enseignants le vivant comme une remise en cause de leur professionnalisme », raconte-t-il.
« En France, le pouvoir politique exige des résultats, ce qui conduit à une prolifération d'indicateurs et d'attitudes d'évaluation dans les académies. Mais quand j'évoque ces problématiques dans les EPLE, je vois des yeux qui s'écarquillent. Les profs ne comprennent pas de quoi je parle ! Quant aux parents, ils achètent les magazines de classement des établissements mais c'est tout. Ils ne sont pas demandeurs d'évaluation », poursuit Roger-François Gauthier. L'inspecteur général se réjouit malgré tout d'assister à un « mouvement intéressant depuis quelques années » en Europe sous la bannière de l'Écosse et des Pays-Bas : « On dépasse petit à petit les seuls indicateurs et l'auto-évaluation devient le modèle de référence. Même l'Ofsted [organisme anglais chargé des inspections d'établissements] met de l'eau dans son vin. »
« *RISQUE DE SOVIÉTISATION DU RÉSULTAT SCOLAIRE EN FRANCE »
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Pour lui, le modèle français est peu tourné vers l'évaluation car les normes sont toujours définies « en haut » et les EPLE n'ont pas l'autonomie suffisante. Il regrette en outre que les décideurs, les inspecteurs ou même les chercheurs n'exploitent pas davantage les « montagnes de notes produites par les profs » et aillent toujours chercher de nouveaux outils pour évaluer les élèves ou le système. « Les résultats les plus riches sont quand même ceux mis au jour le jour par les enseignants, et non les résultats aux examens terminaux ! » L'inspecteur général appelle à plus d' « hybridation » : « Il faudrait faire preuve d'intelligence et être capable de combiner plusieurs sources pour mesurer l'efficacité du système, que ce soit les résultats aux examens, le contrôle continu ou les tests. »
« Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins : soit nous lançons une révolution en partant de l'évaluation mise en place dans les classes pour lui donner du sens et en la complétant par d'autres outils, soit on ne se ressaisit pas et on court un vrai risque de soviétisation du résultat scolaire en France avec des indicateurs produits d'en haut, totalement déconnectés des apprentissages des élèves. », renchérit Roger-François Gauthier.
*L'IMPORTANCE DE LA CONFIANCE
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L'important est selon lui d'établir une relation de confiance entre les différentes partenaires du système éducatif, à l'image de ce que tentent de faire les néo-zélandais. Brian Annan, responsable du projet « school improvement [amélioration de l'école] » au ministère néo-zélandais de l'éducation, raconte en effet le processus ayant conduit à la mise en oeuvre d'évaluation des établissements dans son pays. Grâce à Pisa, les décideurs se sont rendu compte qu'il existait un nombre croissant d'élèves en très grande difficulté, pour la plupart des maoris ou des jeunes issus des îles pacifiques. Or cela ne ressortait pas dans les évaluations nationales car les écoles, devant accueillir toujours plus d'élèves, n'avaient pas intérêt à dire qu'elles avaient des élèves en difficulté. « Nous avons dû évaluer les évaluations », explique Brian Annan. « Nous avons constitué des groupes d'apprentissage avec différents acteurs du système éducatif, mais ces derniers ont reproduit le comportement des écoles. Le gain en résultat était minime, il fallait faire autrement et nous avons impliqué des acteurs extérieurs pour évaluer, afin d'éviter le mélange des rôles. » Mais le défi fut alors de garder la relation de confiance que les acteurs internes étaient parvenus à établir. « Les enseignants ont désormais peur que le ministère n'utilise ces données pour autre chose que l'apprentissage des élèves », note Brian Annan.
Pour Matthis Behrens, directeur de l'Institut de recherche et de documentation pédagogique à Neuchâtel (Suisse), « l'évaluation à elle toute seul ne permet pas l'amélioration des performances », d'autant qu'elle est très coûteuse et que « les fonds utilisés pour évaluer ne sont plus disponibles pour la remédiation ». « Je crains que les données évaluatives ne deviennent trop complexes pour les enseignants. On assiste parfois au passage d'une logique d'enseignement à une logique presque thérapeutique avec les tests très complexes d'orthophonistes par exemple. On a assisté à cause de cela en Suisse à un psychodrame de l'évaluation ! C'est une limite qu'il s'agit d'analyser et de mieux cerner », affirme-t-il.
Y ¿cuál es su opinión, señor Enguita, sobre la evaluación de nuestros Centros escolares?
ResponderEliminar¿Será posible llevarla a cabo en un futuro próximo? Y en ese caso, ¿quién llevará a cabo esa evaluación? ¿bajo qué criterios? ¿Será una evaluación externa o interna?
¿Se evaluará tambien a los profesionales? ¿Se evaluará la satisfacción del usuario?
¿Está nuestro tejido educativo preparado para esto?
A pesar de que está contenido en la LOE, no se evaluará a los profesionales y si así se empeñara alguien ( Esperanza demonio), no se publicarán no vaya a ser que........
ResponderEliminarY es que la piel de los profesionales de la educación es "muy sensible".
Solo responde favorabelmente al aumento de la masa salarial.
El resto les produce graves erupciones.
Del ultimo número de la revista de Notarios.
ResponderEliminarhttp://www.elnotario.es/egest/noticia.php?id=1850&seccion_ver=0
Responde a los estudios de Derecho pero se puede aplicar a todo el sistema.
Bolonia y los estudios de derecho
"El verdadero problema no descansa tanto en Bolonia, como en el lamentable estado de la educación en España; tanto la universitaria, como la primaria y la secundaria"